mercredi 3 avril 2013

les lasagnes, le nom-du-père et celui de la mère

Depuis mon premier billet sur les lasagnes, le scandale alimentaire a pris de l'ampleur. Ce n'est pas une marque spécifique mais plusieurs qui s'approvisionnaient toutes chez le même fournisseur et ont fait passer des vessies pour des lanternes.
On l'a presque oublié, c'est déjà loin, ou bien on en ricane encore : au restaurant on choisit les yeux fermés, en piquant du bout du couteau une ligne au hasard sur la carte puisque, bar rôti ou rôti de veau, ce sera du cheval. Surtout qu'au dessert on pourra commander une fameuse tarte croquante suédoise...

Plus sérieusement on peut se demander ce qui va rester du concept même de marque. Jusqu'ici les consommateurs acceptaient de payer plus cher un produit "de marque" plutôt qu'un autre, cet autre ayant pourtant lui aussi une marque, mais sans "image de marque" ou avec image moins "re-marquable".

Ce dont la marque est le nom, c'est la confiance. La sécurité, le confort. Oui je paye plus, mais c'est une marque. Cela signifie, quelque chose de ce nom prend soin de moi et fait loi. En plus cette marque je la connais depuis des années, elle traverse le temps. Il y a souvenir, peut-être héritage, ou adoption (ma grand-mère prenait toujours cela ou c'est Machin qui m'a fait découvrir cela)..
Dans le domaine alimentaire, il est justifié de se demander si cette loi bafouée, mot que l'on appose souvent du côté du père, ne serait pas plutôt du côté maternel cette fois. Celle qui récolte, cuisine, nourrit.

Je suis ce que je mange lit-on parfois. La marque me dit la bonne santé, la bonne recette, les bons produits, le bon moi-même. La marque m'identifie. Comme quand les ados portent "de la marque", des vêtements qui, pour cette période de mutation, va leur donner confiance, sécurité, confort. Une image du bon moi-même.

J'y reviens : qu'est-ce qui se passe quand on achète un produit alimentaire de marque ? On y va sans réfléchir, la confiance est aveugle. Ou, on hésite et, se maternant, allez, tu le vaux bien, on se laisse séduire par les souvenirs, le packaging, l'impression d'être en connaissance. Ou bien encore, on hésite mais peu, c'est évident, ceux-là sont connus, ce n'est pas pour rien, c'est force de raison, la preuve : c'est plus cher.

Je me demande si cette histoire de lasagnes, ce n'est pas un effritement sociétal de plus. De ces détricotages relationnels qui nous laissent seuls avec nous-mêmes.

Aucun commentaire: