mardi 11 décembre 2012

Le paradoxe

J'ai souvent rencontré des déçus de la psy. Des patients pour qui la rencontre n'avait pas eu lieu et qui gardaient de leur expérience un souvenir blessé, celui d'un échec. Voire, pour quelques uns, celui d'une supercherie.
Certains de ces dépités, je les ai rencontrés "hors cadre" et ils se confiaient à moi pour partager leur expérience et dans l'attente que je valide, au cours d'un dîner ou d'un vernissage, leur certitude : ce psy-là, l'autre, celui avec lequel ils avaient tenté l'aventure, était mauvais. Ou : cette psychanalyse, tellement XIXe siècle, elle était dépassée, n'est-ce pas ?



Souvent la situation est plus épineuse : c'est dans le cabinet lui-même, en arrivant, qu'un nouveau patient vous balance tout de go : la psychanalyse, ou la psychothérapie, il n'y croit pas. Ou bien : il sait qu'avec lui, ça ne marche pas.

Alors, qu'est-ce qu'il est venu faire ici, ce patient qui se trouve maintenant assis en face de vous ?


Le paradoxe n'est cependant qu'apparent et je pourrais dire de façon provocante que dans beaucoup de patients ou patientes, lors des premières séances, se tient quelqu'un qui vous regarde et qui dit : n'insiste pas, avec moi ça ne marche(ra) pas.
C'est dire autrement : beaucoup viennent pour faire changer ce qu'ils craignent de changer. Ou encore : pour faire bouger ce qu'ils aimeraient modifier, il faut que ces patients remettent en question un fonctionnement, des croyances ou des valeurs qui leur semblent indéboulonnables.
C'est souvent un dispositif mis en place dans l'enfance qui a permis de se protéger, mais qui n'est plus adéquat. Changer de carapace. Une mue.

Tout cela ne peut donc se faire que petit à petit. Ne demandez pas à un pudibond de devenir un as du strip-tease en deux temps trois mouvements. Il maîtrisera d'abord l'art de l'effeuillage au ralenti, et il mettra pour cela la durée que met un fût de canon à refroidir comme nous l'a enseigné Fernand Raynaud, c'est-à-dire... un certain temps.

Il se peut que les plus lents soient les plus impatients, les plus pressés. Mais nous ne sommes pas à un paradoxe près. Il faut juste nous tenir là.

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