mardi 9 octobre 2012

Fromage ou dessert ?

Je suis un psy atypique. Parce que je pratique aussi bien la psychanalyse que la psychothérapie.
Ça énerve tout le monde, nombre de mes confrères adorent les chapelles (ça doit les faire se sentir évêques ou papesses), ils aimeraient que tout soit bien rangé dans des petites cases et surtout, que les pratiques soient incompatibles les unes avec les autres. Peur de la contamination, de la frontière poreuse.

Les psychothérapeutes trouvent odieux que je puisse soutenir la psychanalyse (c'est à la mode de la trouver inutile, hautaine, interminable et inopérante) bref, imbuvable, les psychanalystes sous-entendent que la psychothérapie, c'est un truc de soixante-huitard ou, au plus moderne, un avatar post new-age, bref, de la tisane bio.

Soupe de cailloux contre infusion d'herbes. Et moi, au mieux soupçonné de manger à tous les râteliers ; au pire de ne pas distinguer entre grande cuisine et fast-fooderies, de tout mélanger et de servir, à tous, un infâme salmigondis.


Je plaisante. Tous mes confrères ne sont pas si obtus et j'ai d'indéfectibles fans. Mais beaucoup, il faut l'admettre, ont du mal à accepter l'appétit de nos patients. Ceux-ci ont faim.
Faim d'attention, d'écoute, de reconnaissance, de temps pour eux... Soif d'avancer, de comprendre, de changer... Parfois écoeurés de telle chose, gavés de telle autre.

Faudrait-il leur servir à tous la même assiette ?
Et en plus, la même assiette à tous les repas ?

Pour atteindre un symptôme, il est souvent habile de le contourner. Pouvoir adopter différents points de vue, proposer des perspectives variées, favoriser des retournements de situation... : l'intérêt de savoir se tenir dans plusieurs champs d'intervention (quand bien même ils ne sont effectivement pas compatibles  dans le même instant t) est une richesse qui est au service du patient.
C'est nourrissant, et ça aide la digestion.

Fromage et dessert, c'est beaucoup et c'est bon.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce n'est pas par hasard que je découvre ce nouveau blog sur une passion partagée....

Il y a peu, j'ai été interpellée par un formateur au sujet de ma pratique et, si le ton et l'intention étaient bienveillants, le fait de me poser cette question d'une pratique synchrétiste témoignait, me semble-t-il d'un doute légèrement suspicieux.Comme si, la cohérence d'un corpus théorique était le sous bassement indispensable à la qualité du thérapeute. Et à la réflexion, mon esprit malicieux y voyait comme une tentative de me faire adhérer à un dogme ...ce à quoi, de manière assez légendaire, je suis naturellement réfractaire. Pourquoi choisir l'un ou l'autre? Je vis comme mes clients de multiples contradictions et il me semble intéressant de ne pas tenter à tout prix de se rassurer par des présupposés, classés, ordonnés à des fins utilitaistes. Tout cela semble bien loin justement du travail thérapeutique dont la qualité première, me semble-t-il est l'ouverture. En 30 ans de métier il me semble naturel d'avoir renouvelé mon approche théorique et pratique, de m'être ouverte à des chemins de traverse.Une question de curiosité naturelle, une petite compulsion névrotique à la nouveauté, des limites éprouvées lors de certaines séances, des impasses dans lesquelles je me suis moi-même retrouvée lors de mon propre travail thérapeutique.S'agit-il plus des limites de l'approche dont se réclame chaque psychothérapeute ou des limites de sa propre présence? Il m'est difficle de répondre...La posture, plus que le savoir sur (théorie psychanalytique, TCC, approche existentielle) comment s'apprend-elle? Comment "s'ouvre-t-elle"?Sommes-nous capables de devenir des caméléons tout en restant soi-même?
Pour le psychothérapeute comme pour le client, une chose est sûre ce qui est moteur dans le travail thérapeutique c'est de "tenir la question" et de ne pas vouloir trop vite y répondre.

Alors fromage ou dessert? C'est en mangeant que l'on découvre l'ampleur de son appétît et ses gourmandises préférées....