lundi 3 septembre 2012

le syndrome Nessie


Une de mes connaissances, rédactrice en chef adjointe d'un magazine féminin, me propose souvent des livres qu'elle reçoit en service de presse, c'est-à-dire envoyés par les maisons d'éditions. Alors que dans cette presse dite féminine, les psys semblent plutôt détrônés par les philosophes (c'est à eux maintenant qu'on demande leur sentiment/assentiment sur tout et rien), je m'aperçois que "la" psy reste un sujet qui fait vendre ou, tout au moins, qui fait publier.
Je me retrouve ainsi souvent à lire de mauvais livres, par curiosité, exercice qui s'avère parfois aussi intéressant que d'en lire des bons.
D'abord, rares sont les livres où tout est à jeter. Ensuite, il est bien sûr affaire de goût (hier matin dans une librairie très respectable je voyais encore un bouquin en bonne place sur l'étal alors que je n'y ai pour ma part pas trouvé une seule ligne de texte à sauver...) Aussi mauvais soient-ils, ces bouquins reflètent notre époque. Ces derniers temps, j'ai eu le sentiment qu'il y avait une tendance aux ouvrages assez légers sur le mode "comment je suis devenu psy" "pourquoi je suis psy" "à quoi ça sert un psy" etc. Façon de mêler, pour des personnalités plus ou moins médiatiques, souvenirs de formation, histoire de leur parcours, convictions personnelles, anecdotes "édifiantes".
Le problème est que dans ces écritures se glissent des approximations, des absurdités ou des erreurs qui passent presque inaperçues dans le courant de la narration quasi parlée, "sans prétention". En général, elles sont le fait d'une position éthique ou politique de l'auteur très marquée mais peu explicitée qui resurgit au fil du récit comme un monstre du Loch Ness cassant la surface du lac. Ainsi l'auteur peut toujours se prévaloir d'avoir été mal compris ou tronqué, puisque sa thèse n'apparaît de fait qu'en pointillé.

Le dernier bouquin que j'ai en tête est écrit par un homme qui vraisemblablement déteste la psychanalyse et les psychanalystes (là ce n'est pas une tendance, c'est malheureusement fort courant). 
Ce qui donne : 
"En ce qui me concerne je n'ai jamais sérieusement envisagé d'entreprendre une psychanalyse car je n'en ai jamais ressenti le besoin (voilà que je me défends !). Selon mes maîtres de l'époque, il faut avoir une souffrance, à tout le moins des symptômes et malheureusement si je peux dire, j'ai toujours eu l'impression d'aller bien, d'être heureux... D'où mon incapacité, l'aptitude au bonheur n'étant pas un bon moteur pour la psychanalyse." Plutôt péjoratif comme vision de l'analyse.
Et plus loin : "La psychanalyse reste un extraordinaire voyage à l'intérieur de soi, une découverte des terræ incognitæ de l'inconscient, une aventure singulière et ineffable. Dénicher en soi des joyaux insoupçonnés, des richesses enfouies n'est-il pas au fond le but ultime de tout Sage ?" Là au contraire, l'analyse semble le chemin de la sagesse !...
On peut se demander comment dans le même ouvrage peuvent être formulés des regards aussi divergents sur l'analyse (est-ce le même auteur qui a écrit tous les paragraphes de ce livre ?). 
Les deux regards d'ailleurs, le "négatif" et le "positif", sont singulièrement naïfs et bien loin de l'aventure analytique.

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